De tout temps, les peuples ont été superstitieux et l’Alsace n’échappe pas à ce constat.Les danses mystiques ou rituelles étaient croyait on, un moyen de conjurer les sorts des esprits, des forces de la nature ou des dieux, d’apporter la fécondité ou de bonnes récoltes. Ce genre de danse n’avait pas pour unique but de provoquer des évènements favorables, mais aussi de repousser les influences néfastes dues aux mauvais esprits, aux génies de l’hiver, de la stérilité et de la mort. Il faut des symboles pour se matérialiser ces croyances. La symbolique du soleil et le chiffre sept sont très présents dans ces danses.
- La ronde solaire : Cette figure de danse imite l’image du cercle cosmique représenté par le Soleil, la pleine Lune, la Terre, et leurs parcours sidéral. La ronde en est sa représentation et les danseurs se doivent de tourner dans le sens solaire, c’est-à-dire, le sens horaire. Le sens contraire est considéré comme maléfique. Ainsi au XVIe siècle, des femmes de Munster furent accusées de sorcellerie et brûlées au bucher pour avoir été surprises à danser dans le mauvais sens.
- Le chiffre sept : Le chiffre 7 est considéré comme un « chiffre magique » ou sacré. On retrouve déjà sa symbolique dans les croyances primitives dont beaucoup furent reprises par les religions. Dans le judaïsme par exemple, sept est le nombre de célébrations religieuses dans l’année juive, c’est le nombre de branches du chandelier ou « Menorah« . On le retrouve inévitablement dans le christianisme avec les sept péchés capitaux, le nombre de jours dans une semaine, etc.. En ce qui concerne les forces de la nature, le chiffre sept est aussi important. C’est par exemple la durée approximative en jours d’un quartier de lune. Aujourd’hui encore, on parle des sept couleurs de l’arc-en-ciel ou des sept ans de malheur si l’on casse un miroir.
- Le bruit et les gesticulations : Dans les croyances, on dit que les mauvais esprits n’apprécient pas les gestes et les bruits désordonnés. En conséquence, dans beaucoup de danses on fait de grandes gesticulations avec des cris sauvages, renforcés au besoin par le bruit d’outils que l’on frappe au sol pour faire partir le mal.
La combinaison de tout ou partie de ces symboles dans les danses alsaciennes devaient permettre d’éloigner le mal et d’assurer la sérénité, la fécondité et la prospérité au sein de la communauté.
Voici quelques exemples de ces danses :
D’r Alamànder / La Salamandre
La ronde des couples et le va-et-vient des hommes sont des figures très anciennes, rappelant le caractère premier de la danse.
La seconde partie de la danse (le tour du couple et le galop latéral) est plus récente ; elle a été mise en forme par Jeanne Lau, de Munster, au début du 20ème siècle. Cette danse populaire était répandue dans la plaine du Rhin et se dansait probablement dans tout le secteur alémanique. Le nom de « Salamandre » n’a rien à voir avec l’animal du même nom ; il semble être dérivé de « Alamànder » ou de « Alamans ».
Il s’agit d’une danse rituelle par couples, sous forme de ronde solaire, matérialisant dans sa première partie l’image du cercle cosmique, entre autres, celle du soleil (thème A).
Ces rondes se dansent dans le sens direct ou sens horaire. Les danseurs exécutant « La Salamandre » font, au thème B, un va-et-vient accompagné de frappés vers un centre fictif, reprenant ainsi à leur compte, un antique rite de fertilisation du sol.
Rutsch hin, rutsch her / Chibreli alsacien
A l’origine, le Chibreli était une danse de femmes exécutée autour d’un symbole de fécondité, symbole dont elles partageaient ou subissaient les forces inhérentesLes thèmes de la fécondité et de la fertilité sont au cœur des formes de danses les plus anciennes.A partir du 16e siècle, certaines formes de Chibreli se dansent par couples. Les sauts, pieds écartés, sont parfois remplacés par des pas dits de « chèvre » ou par des pas pointés (Tupfschritte) et un refrain de danse tourné ou de moulinets. C’est le cas en Autriche, en Allemagne et dans tout le secteur alémanique. En Alsace, les moulinets ont été remplacés par un refrain de valse, ce qui permet de dater cette version locale après à la Révolution.
La musique propre à ces formes de danse, semble être issue de l’air d’une marche militaire portugaise de 1790, répandue en Allemagne durant les campagnes napoléoniennes. La version populaire s’est cristallisée sur l’air très connu de « Rutsch hin, rutsch her », chanté dans toutes les campagnes alsaciennes et figurant au répertoire des musiciens jouant dans les bals villageois.
Dans ces gestes, dans la survivance de la forme en ronde et dans le thème musical, qui est un emprunt à l’air primitif des sept sauts, il est indéniable que cette danse est à l’origine une danse rituelle, du moins dans sa pemière partie.